Mise à jour, juin 2017 :
Notre appel a été entendu ! Le projet Grindmill songs est maintenant soutenu par PARI (People’s Archive of Rural India, fondée par P. Sainath). Visiter leur site !
Merci de partager et faire circuler !
Mon nom est Bernard Bel. Informaticien à la retraite, j’étais précédemment affilié au Laboratoire Parole et Langage (CNRS/AMU).
Il y a vingt ans, j’ai rejoint l’équipe du Centre de recherches coopératives en sciences sociales (Centre for Cooperative Research in Social Sciences, CCRSS) fondé en 1980 par Hema Rairkar et Guy Poitevin pour promouvoir leur travail de recherche-action sur l’intervention sociale au Maharashtra (Inde). Cette équipe comprenait les animateurs d’un groupe informel qui s’intitule le « Collectif des pauvres de la montagne » (Garīb Dhongarī Sangatnā, GDS, गरीब डोंगरी संघटना).
Dès son origine, le GDS a mis l’accent sur l’émancipation des femmes des communautés rurales les plus défavorisées. Dans ce contexte, ils ont découvert le pouvoir expressif d’un acte de parole féminin collectif : les chants qui accompagnent la mouture du grain avant le lever du soleil. La création poétique et l’interprétation des chants ne sont pas un mode d’expression visant un bénéfice personnel. Elles ont pour but d’établir une relation interpersonnelle, un lien entre les sujets.
En 1996, des milliers de chants avaient déjà été transcrits et classés par les collecteurs appartenant aux mêmes communautés rurales. Le projet “Grindmill songs” a bénéficié entre 1993 et 1998 du soutien de l’UNESCO, du Netherlands Ministry for Development Cooperation et de la Fondation Charles Léopold Mayer pour le progrès de l’Homme.
Bien que le marathi soit la langue unique du Maharashtra, les chanteuses paysannes assignent souvent un contenu sémantique inhabituel aux mots et expressions, faisant usage de références implicites à des événements locaux ou des comportements sociaux caractéristiques de leur monde. Par conséquent, le corpus de chants de la mouture avait besoin d’être fortement structuré pour se plier à un travail analytique systématique. De plus, la langue parlée/chantée nécessite le partage de conventions de transcription et d’orthographe pour garantir la cohérence des textes (en graphie devanagari). J’ai donc formé l’équipe à l’utilisation d’une base de données relationnelle (voir description) reliant les textes, les personnes, les lieux et la classification sémantique des chants. À la même époque, nous avons commencé à enregistrer systématiquement les chants dans les villages sur un support audionumérique (cassettes DAT) et nous avons réalisé quelques vidéos.
Le corpus de chants de la mouture au Maharashtra a été utilisé comme source documentaire de publications de référence en anglais, français et marathi, jusqu’au décès de ses fondateurs en 2004 et 2010 (voir bibliographie).
Suite à l’introduction de la meunerie mécanique, la pratique du chant lors de la mouture du grain a quasiment disparu durant la dernière décennie.
Je m’étais engagé personnellement auprès de Guy, Hema, et de l’équipe du CCRSS/GDS à prendre en charge l’archivage pérenne et la diffusion publique de ce trésor patrimonial sans équivalent. Le corpus doit être ouvert gratuitement à la recherche académique — linguistique, musicologie, anthropologie sociale… — en même temps que restitué à sa communauté d’origine.
Ce défi a pu être relevé grâce au développement de ressources gratuites de mise en réseau. En mars 2015, le projet a été relancé par la fourniture d’un équipement spécialement configuré à l’équipe qui travaille à Pune. Nous avons mis au point ensemble le format d’une première publication du corpus, ce qui a requis un sérieux investissement de re-engineering de la base de données.
Le site thématique « Je te le dis, femme ! » (http://grindmill.org) donne accès à cette base de données de textes et de classification de 110000 chants, dont environ 40000 ont été traduits en anglais et/ou français. Les données sources sont hébergées sur le serveur linguistique SLDR/ORTOLANG qui assure leur conservation à long terme et leur partage en accès ouvert. Par exemple, on trouve sur cette page les chants collectés dans le village de Mogra, leurs traductions (à compléter), l’intégralité des documents sonores et les liens vers tous les éléments qui leur sont associés.
L’équipe du projet est chargée des traductions en anglais, de la correction des transcriptions et de l’indexation des enregistrements sonores. Elle est dirigée par Mme Asha Ogale, documentaliste et traductrice, qui a acquis l’expertise de cette langue depuis deux décennies. Elle bénéficie de l’assistance (à temps partiel) de Mme Rajani Khaladkar et M. Jitendra Maid qui ont participé à la collection et l’analyse des chants dès le début du projet. Je travaille personnellement à l’indexation et la segmentation des enregistrements, ainsi qu’à la mise en ligne des métadonnées révisées. La pérennité de notre équipe est indispensable pour assurer la cohérence des transcriptions, des traductions et de l’indexation.
La durée du projet est estimée à deux ans et son budget (indexé sur le taux de change de la roupie indienne) serait approximativement de 560 euros par mois. Le planning et les délivrables (proposés en juin 2015) sont précisés sur cette page.
Malheureusement, le travail a dû être suspendu en juillet 2015 en raison de l’insuffisance de financement. Tout retard est problématique car la doyenne de l’équipe est âgée de 81 ans.
Nous souhaiterions par ailleurs obtenir l’affiliation des membres indiens de l’équipe à un organisme de recherche (public ou privé), en Inde ou à l’étranger, afin que le projet puisse faire l’objet d’une demande de subvention auprès d’institutions comme ELDP/SOAS au Royaume-Uni ou ELP aux USA. Étant donnés le volume, la qualité et l’unicité de ce patrimoine culturel, nous sommes convaincus que des organismes chargés de la préservation de langues en danger jugeront pertinente une telle contribution.
Nous lançons un appel à toute forme de partenariat qui pourrait éventuellement s’appuyer sur plusieurs institutions. Nous sommes également favorables au mécénat d’entreprises (envoyer un courrier à contact(arobase)grindmill.org).
Les dons individuels sont collectés sur un financement coopératif (HelloAsso) et transmis à l’équipe par l’Association Guy Poitevin Inde-Mayenne (GPIM) présidée par Jean-Marie Poitevin (frère de Guy Poitevin).
Même pour quelques euros, votre participation serait vivement appréciée, car elle nous permettrait de relancer sans plus tarder le travail sur ce projet !
La procédure de collecte est expliquée en anglais sur la page :
https://grindmill.org/finance/donate/
Les francophones peuvent aller directement sur la page :
http://www.helloasso.com/utilisateurs/gpim/collectes/je-te-le-dis-femme